dimanche 22 mars 2009

La diversité dans les entreprises françaises

Avant les partis politiques, les syndicats ou même les associations anti-racistes, le concept de diversité est entré en France par le truchement des entreprises. C'est Claude Bébéar, fondateur d'AXA, qui démocratisa le terme en initiant la Charte de la diversité en 2004, suite à son rapport intitulé : les entreprises aux couleurs de la France.

La Charte de la diversité :

Le lancement de la Charte de la diversité a marqué un pas important pour la diversité en entreprise. En signant le 22 octobre 2004 cette « Charte de la diversité dans l’Entreprise », les dirigeants de 35 grands groupes, de PPR à IBM, en passant par PSA, Carrefour, Schneider, la Poste, Dexia, Pernod Ricard, Total, SNCF, RATP, Accor, Sodexho ou Ikea, sont sortis collectivement du déni qui consiste à dire « nous ne discriminons pas ». Cette avancée a été rendue possible grâce au travail de l'Institut Montaigne qui a fait pénétrer en France le principe de discrimination systémique et a mis en exergue les multiples enjeux de la diversité pour l'entreprise (raréfaction de la main d'oeuvre notamment). Racisme et discrimination devenant des notions distinctes, les entreprises pouvaient se lancer dans un travail sur une diversité perçue positivement.
Notons que la Charte de la Diversité est arrivée au moment où la France transcrit en droit français deux directives européennes qui encadrent et durcissent les peines pour discrimination (légalisation du testing, renversement de la preuve, création de la HALDE).
La charte de la diversité est aujourd'hui signée par près de 2000 entreprises. Ce qui reste peu au regard des 2 millions de sociétés recensées en France.
(cliquez sur le lien pour accéder au site Charte de la diversité)

Le Label diversité
Plus contraignant que la Charte, le Label. Après le label Egalité, les entreprises peuvent désormais solliciter le label diversité. Elles devront pour cela répondre à un cahier des charges précis, fondé sur six critères principaux : l'engagement formel de l'entreprise, le rôle actif des partenaires sociaux, l'équité des process RH, la communication de l'entreprise sur ces thèmes, les actions citoyennes dans le domaine de la diversité et la politique d'évaluation des pratiques.

Les associations de la diversité
L'engagement des entreprises dans des démarches diversité a créé un nouveau « marché » en termes de conseils et d'accompagnement des entreprises. Les associations et les organismes à vocation sociale restent prédominants dans ce domaine, notamment dans le recrutement dit diversité. L'efficacité de ces structures dans le service rendu aux entreprises (et aux citoyens visibles) reste limitée, notamment parce qu'aucun de ces organismes n'a atteint de masse critique pour le placement de CV. Leurs prérogatives territoriales s'avèrent aussi être une limite pour des grandes entreprises nationales (l'appui sur un véritable réseau national est une nécessité).

Les statistiques ethniques
Sujet éminemment controversé, la quantification de la diversité touche au plus profond des principes fondateurs de la République. Les républicains s'opposent ici aux libéraux. Les premiers veulent prévenir la communautarisation de la société, les seconds parlent de pragmatisme : compter pour mieux corriger les discriminations raciales. Après la tentative avortée de loi Hortefeux pour assouplir la possibilité donnée à la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté) d'autoriser la constitution de statistiques faisant apparaître des données dites sensibles (ethnie, phénotype...), le rapport Sabeg propose de mesurer l'appartenance aux communautés...
Les entreprises n'ont pourtant pas attendu ces lois pour établir une quantification de leur diversité : c'est le cas de Casino (2004) et de ses études patronymiques.
En effet, la loi Informatique et Libertés permet déjà, dans son article 8, l'utilisation de données sensibles dans des conditions particulières (anonymat, accord exprès des intéressés, pertinence de la collecte).

Les accords diversité
Si de nombreux accords paritaires sont déjà signés sur les questions d’intégration des personnes handicapées (depuis 1987, date de la loi instituant des accords d’entreprises) et sur l’égalité femmes/hommes (plus de 50 depuis la loi du 9 mai 2001), les accords s’intéressant aux citoyens visibles sont aujourd’hui peu nombreux. On peut citer PSA, AXA, Eau de Paris et Casino qui ont signé des accords dédiés à la diversité.
La question de la diversité apparaît également dans des Accords Cadres Internationaux (ACI) sur la Responsabilité Sociale des Entreprises. Dans ces textes plus généralistes, la diversité représente un ou deux chapitres.
Il existe enfin d’autres types d’accords (paritaires ou non) qui se présentent sous formes de déclarations communes, de chartes ou d’accords cadres avec des institutions comme l’ANPE.
La principale distinction que l’on observe entre les quatre accords diversité pré-cités tient à leurs portées. En effet, si les accords signés par Eau de Paris et PSA Peugeot Citroën sont des accords d’entreprises comprenant des mesures concrètes applicables dès signature, les accords des sociétés AXA et Casino, quant à eux, sont des accords cadres signés au niveau des maisons mères. Ils ont donc un ton plus général et doivent être suivis par des accords à vocation pratique au niveau des filiales (les enseignes Géants, Leader-Price,… pour le groupe Casino ; les mutuelles AXA, FINAXA,… pour le groupe AXA).

Bilan qualitatif de la diversité en entreprise

a- La culture d'entreprise

Différents audits ont permis de montrer que le degré d’ouverture à la diversité des entreprises est puissamment corrélé à la culture d’entreprise. Or, on doit pouvoir traiter tous les candidats et collaborateurs de manière égale quelque soit la culture d’entreprise. Une entreprise de l'automobile dont la culture métier est très masculine sera ainsi marqué par un « plafond de verre » relativement bas pour les femmes. Une entreprise d'import-export avec une forte culture « coloniale » pourra être marquée par des phénomènes de « paroi de verre» (certains secteurs de l'entreprise comme les filières financières sont inaccessibles) pour les populations Noirs.

b- L'objet de l'entreprise
Les audits s’intéressant aux pratiques des entreprises en matière de communication et de ressources humaines notamment ont permis de montrer les efforts fournis par un certain nombre d’entreprises ayant des activités dans la grande distribution ou dans l’industrie. Les entreprises pilotes (en termes de diversités) sont principalement issues de ces secteurs où la main d’œuvre se fait rare.
A contrario, les entreprises visant une clientèle spécifique ou constituées de métiers d’excellence restent en retard sur les autres entreprises en matière de diversité. Ces deux types d’entreprises favorisent en effet la construction ou le maintien de stéréotypes envers des catégories de personnes peu représentées dans la clientèle ou les effectifs.
Ainsi, on peut noter que la nécessité économique est un déterminant important pour expliquer l’ouverture des entreprises à la diversité.

c- Les ressources humaines
L’analyse des process RH au sein de grandes entreprises permet de mettre au jour deux tendances fortes.
D’une part, les grandes entreprises françaises sont dans une dynamique de réflexions et d’actions concernant leurs process RH. Les diagnostics ont en effet été réalisés auprès de grandes entreprises à un moment ou ces dernières font évoluer leur process RH et se lancent dans des réflexions importantes sur leur management et leur gestion des ressources humaines. Cette situation est une bonne occasion pour intégrer les problématiques de diversité dans les nouveaux process.

D’autre part, deux grandes observations peuvent être relatées.
• Malgré l’existence d’outils permettant une traçabilité et une objectivation des process RH, leur diffusion reste à mettre en œuvre pour éviter des discriminations indirectes (inégalité dans l’accès à l’information par exemple) ;
• Certaines entreprises sont marquées par des cultures fortes qui induisent soit l’existence de critères subjectifs (appréciation des salariés sur leur savoir-être), soit la faiblesse d’une étape des process RH (faible culture de l’évolution dans certaines entreprises).


En résumé :
L'engagement des entreprises dans la diversité est réel mais il répond principalement à des enjeux de communication et de prospective démographique (raréfaction de la main d'oeuvre). Les entreprises font ainsi apparaitre deux phénomènes :
  • Un fort recrutement diversifié dans certains secteurs seulement (commerciaux, chargé de clientèle, maintenance,...) aboutissant à une forte ethnicisation des tâches.
  • Un plafond de verre toujours très marqué du fait du recrutement particulier du top management, par cooptation principalement (les actions diversité sont absente à cette échelon de l'entreprise).

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